VISITE DE L’ÉGLISE SAINT ROCH AVEC LE PÈRE DE LÉPINE
Langage de Femmes a été reçue dans une des plus belles églises de Paris, Saint Roch, par le Père de Lépine, qui a été curé de cette paroisse pendant 14 ans avant de rejoindre le collège des Bernardins. Celui-ci nous a fait découvrir ce haut lieu de culte catholique, cher aux Comédiens à qui il est dédié depuis le siècle dernier. Nous avons écouté ses explications sur l’ histoire, notamment celle de son édification, du patrimoine à la fois culturel et cultuel de cette église ainsi que sur les grands temps de la vie de Jésus, des pratiques et concepts religieux.
La trentaine de participants à cette visite dominicale ce 10 octobre 2021, exceptionnellement ouverte aux hommes, était de générations, de religions et de cultures de tous horizons. Une des participantes a dit entrer pour la première fois dans une église catholique.
SAINT ROCH, UN LIEU DE CULTE CATHOLIQUE AU COEUR DE PARIS RIVE DROITE
Après un mot de bienvenue à tous du Père de Lépine et avoir invité tous les participants à le questionner sur tous les sujets, car il n’y pas de tabou, il a commencé par l’explication de la façade avec à gauche du portail la statue de Saint Roch, patron des médecins et des pèlerins représenté en tenu de pèlerin.
Saint Roch, né à Montpellier à la fin du XII ème siècle, est le fils d’un des gouverneurs de cette ville. Il était en effet médecin et entra dans le Tiers-Ordre, vêtu en pèlerin pour prendre le chemin de Rome (Italie) où sévissait la peste. Arrivé à destination, il se dévoue alors aux soins des pauvres pestiférés. A son contact, plusieurs pestiférés trouveront le chemin de la guérison. Il est le saint patron des médecins et des pèlerins. A droite la statue de Saint Honoré, patron des boulangers et pâtissiers, des meuniers et autres marchands de farine. Certains participants ont appris que les Saints étaient une particularité chez les catholiques et les orthodoxes et que la sainteté chrétienne de ces personnages n’avait rien à voir avec la perfection morale. Pourquoi Saint Honoré ? parce que l’entrée principale de l’église se situe 296 rue Saint Honoré dans le premier arrondissement de la capitale. Elle a été construite rive droite entre 1653 et 1722 sur les plans initiaux de Jacques Le Mercier et la plupart de ses vitraux datent du XIX ème siècle. Elle mesure en longueur 126 mètres et est principalement de style baroque.
SAINT ROCH, L’ÉGLISE DES COMÉDIENS
Certains participants, se remémorant les relations compliquées entre les auteurs et comédiens de Théâtre avec l’Eglise, ont interpellé le Père de Lépine sur le pourquoi de cette histoire mouvementée. Le prêtre a rappelé que Molière a eu des obsèques chrétiennes à Saint Eustache à Paris, grâce à l’intervention de Louis XIV auprès de l’Archevêque de Paris et qu’il y avait sans doute plus de raison de jalousie que de dogme dans cette mésentente : les gens de Théâtre parlant mieux, à tous égards que bien des prêtres, indiquant aussi que : « l’Eglise ce n’est pas les prêtres ni l’institution, c’est toute la Communauté des catholiques » dans le monde entier.
L’Aumônerie des Artistes du Spectacle a été fondée en 1927 à l’initiative de deux comédiens de la Comédie Française, Jeanne Delvair et Georges Leroy, par le Père Gillet, dominicain, sous le nom : « Union Catholique du Théâtre », tandis que l’Eglise Saint Germain a été ensuite choisie par le monde du cinéma et la Madeleine, plus récemment, par les gens du Show Business.
SAINT-ROCH, UN MUSÉE VIVANT DE L’ART RELIGIEUX CATHOLIQUE AUX XVIIIE ET XIXE SIÈCLES.
La visite commentée, émaillée d’évocations des dogmes et rites catholiques et de certaines étapes majeures de la vie du Christ (naissance, baptême, vie de Jésus ….au jardin des oliviers, … mort , mise au tombeau et résurrection) s’est fait à mesure des arrêts devant plusieurs des chapelles qui font tout le tour de l’intérieur de l’église et contiennent de nombreuses oeuvres d’art, voir même de véritables chefs d’oeuvre évoquant en peinture ou en sculpture des scènes du nouveau testament.
Les douze arches de l’église renvoient aux 12 apôtres choisis par Jésus parmi ces disciples, qui font aussi référence aux 12 tribus d’Israël et à la nouvelle alliance avec Dieu.
Quant à la Sainte Trinité, rappelée également au niveau de l’architecture de l’église, notamment dans le haut du coeur de l’église, elle a laissé perplexe un certain nombre de participants : difficile à comprendre qu’avec un Dieu unique comme dans le Judaïsme ou dans l’Islam, il est cependant sous trois « formes » dans le rite chrétien et donc catholique : avec le Père (Dieu) , le fils (Jésus, car Dieu s’est fait Homme ) et le Saint Esprit (le souffle du Divin). « Malgré cette Sainte Trinité, Dieu est Amour et Dieu est Unique ».
Un participant a aussi été surpris d’apprendre qu’un édifice religieux catholique pouvait ainsi compter en son sein plus de 15 chapelles, en fait 17 au total pour Saint Roch. Derrière la nef, se dresse la chapelle du Calvaire (de Jésus) avec deux imposantes sculptures : la mort et la mise au tombeau de Jésus. Or, cette dernière inclut aussi au fond à droite la belle chapelle dédiée à Marie (la mère de Jésus).
Quant à la Chapelle de la Vierge, dans le coeur de la nef, derrière le Maître Autel où étaient autrefois célébrées les messes, elle contient une scène de la nativité, sculptée dans la pierre. Elle est encadrée à gauche par la statue de Saint Jérôme (qui a traduit en latin la Genèse), et à droite, celle de Sainte Barbe (qui est la patronne de l’Université française) avec enfin, en élévation à la gloire de Dieu, dans un triangle, le mot Dieu inscrit volontairement en hébreux : Yahvé.
Devant l’étonnement de certains participants à découvrir que certains symboles sont empruntés ou rappellent des objets du judaïsme (comme les chandeliers non pas à 7 branches comme la Menorah mais 8 branches ici de chaque côté de l’arche de l’alliance etc.), le Père de Lépine a insisté sur le fait que dans la tradition catholique, Jésus est un juif de Nazareth. En effet, Jésus est né en Galilée et suivait avec ses disciples de nombreux rites juifs. Par ces détracteurs contemporains, il a même été surnommé par raillerie, lors de sa mise à mort sur la croix « roi des juifs », ce que confirme l’inscription Iatine I.N.R.I. « Iesus Nazarenus Rex Iudaeorum », qu’on traduit habituellement par « Jésus, le Nazaréen, le roi des Juifs ». Oui, Jésus était juif, né d’une mère juive, et observait le shabbat, pratiquait et respectait les commandements. Certes, dès l’adolescence, il discutera avec les docteurs de la Loi et, plus tard, combattra, non pas le peuple juif auquel il appartient, mais les pharisiens, qu’on pourrait aujourd’hui qualifier de « radicaux » dont faisait parti Saint Paul avant sa « conversion » qui le mena à suivre et diffuser les enseignements de Jésus. Les catholiques, et plus largement l’ensemble de la chrétienté, partagent l’ancien testament avec les juifs dont le Livre de la genèse de la Bible.
Enfin, devant le baptistère à l’entrée sur la gauche de l’église, il a été expliqué que les premiers baptêmes chrétiens étaient faits par immersion, comme dans la tradition juive et que, bien plus tard, ils ont évolué, sans doute par commodité, pour être pratiqués par aspersion jusqu’à aujourd’hui.
L’ÉGLISE UN LIEU DE CULTE.
Saint Roch fut une paroisse où la reine Marie Antoinette priait. Elle s’y était fait construire un oratoire sous le toit. St Roch fut aussi la paroisse du jardinier André Le Nôtre alors même que cette église n’a ni square ni jardin étant à côté des Tuileries. Une plaque est d’ailleurs dédiée au jardinier de Louis XIV à gauche dans l’Eglise.
En 1948, à l’initiative de Mme Anthonioz de Gaulle, nièce du général, résistante et déportée, c’est l’un des très rares mémoriaux des catholiques dédiés à la mémoire de tous les déportés de nationalité française quelqu’en fut la raison : leur origine, leur religion, leur fait de résistance, etc. D’où des chiffres particulièrement bas au regard de tous les millions de personnes qui sont morts dans les camps nazis
Durant cette visite, le Père de Lépine a ainsi répondu à de très nombreuses questions des participants lors de ses commentaires sur les statues, la foi catholique, les rites, la relation de l’Eglise avec les comédiens, les divorcés, etc.
Ces échanges se sont poursuivis autour d’un verre de l’amitié au premier étage, soulignant le vif intérêt des participants. Une des dernières questions fut les relations de l’Eglise catholique en tant qu’institution avec les autres religions monothéistes. Le Père de Lépine a confirmé que beaucoup de relations bilatérales ou multilatérales entre les différentes religions reposaient effectivement sur des liens personnels entre rabbins, prêtres catholiques, orthodoxes, protestants, anglicans et Imams, voir aussi avec des moines bouddhistes etc. Mais surtout il a insisté sur ce que le Concile Vatican II, qui s’est ouvert le 11 octobre 1962 sous le pontificat de Jean XXIII, et s’est achevé le 8 décembre 1965 sous Paul VI, a opéré comme un profond changement au sein de l’Eglise catholique et plus encore dans sa relation au monde et bien sûr aux autres religions. Il faut retenir, depuis cette date, l’ouverture d’un dialogue avec le monde contemporain et les autres religions qui se traduit dans les faits par des rencontres, des activités ou événements en commun, des célébrations oecuméniques etc.
Ces moments d’échange et de partage dans cette belle église catholique des comédiens et autres saltimbanques furent intenses et enrichissants pour tous.